Les bons comptes font les bons amis [PV Aisling et Chandler]

Une fois n'est pas coutume, Aisling et Chandler étaient supposés se retrouver aux serres derrière le château, peu après le repas du soir. Il leur restait une petite heure avant que ne sonne le couvre-feu, et ils comptaient bien en profiter pleinement pour jouer un peu. La rentrée n'avait pas été une partie de plaisir pour Chandler, qui écopait déjà des remontrances de ses professeurs. Il espérait pouvoir s'oublier un peu dans les fous rires partagés, avant de devoir regagner son dortoir. Durant toute l'année passée, la gryffondor et lui avaient enchaînés bêtises sur bêtises. Ils avaient volé le stock de fraises des bois des cuisines, avaient mis le feu à la queue d'un écureuil à la lisière de la forêt interdite, avaient troué la moitié des chaudrons de la salle de potions, sans compter les courses poursuites dans les couloirs, les bousculades, les cris, et les nouveaux jeux quotidiens inventés très souvent par la jeune fille. Les parents de Chandler avaient beaucoup désapprouvé ce comportement, et le garçon leur avait promis de se tenir à carreaux cette année. Mais rien n'y faisait, il avait vraiment envie de revoir Aisling et de s'amuser comme avant.

Assis devant les serres en tailleur, il jetait des petits cailloux sur les vitres épaisses qui cachaient la végétation. Son amie était en retard. Ils n'avaient déjà pas beaucoup de temps devant eux pour inaugurer leurs 400 coups de cette année scolaire, si en plus elle ne pointait le bout de son nez que dix minutes avant le couvre-feu ... Fort heureusement pour lui, il la vit enfin arriver au loin. Les petits cheveux bruns au vent étaient reconnaissables entre mille. Il se releva pour la saluer, mais se sentait un peu timide. Voilà bientôt deux mois qu'il ne l'avait pas vu, et il ne savait trop que faire pour lui dire bonjour. Il n'allait tout de même pas lui sauter dans les bras, et n'avait pas trop envie de lui faire deux bisous sur les joues comme les grandes personnes. Alors quand elle s'approcha à quelques centimètres de lui, il lui tendit la main un peu solennellement, et prit un air sérieux :

- Bonjour Aisling, as-tu passé de bonnes vacances ?

Chandler pouvait parfois avoir des réactions un peu étranges aux gens qui l'entouraient. Ils se sentaient facilement à l'aise avec n'importe qui, et n'hésitait jamais à lancer la conversation, même avec de parfaits inconnus. Mais lorsqu'il s'agissait des normes sociales de politesse et de bien-vivre en communauté, il se trouvait quelques fois un peu démuni. Il montrait des signes de familiarité un peu incongrues, ou tentait d'imiter un langage trop soutenu pour être le sien. Alors on lui pardonnait, parce que finalement, ça n'était pas vraiment sa faute et ça n'était pas bien grave. Mais tout de même, c'était souvent à se tordre de rire.

Aisling finissait de dévorer son repas, sous l'oeil accusateur du capitaine de son équipe trouvant qu'elle mangeait parfois trop, quand elle se rappela du rendez-vous qu'elle avait fixé avec un de ses amis : Chandler Owen, à Poufsouffle. Elle avala alors rapidement son dessert - elle avait pris un fruit ne supportant pas le regard pesant du gardien Gryffondor - et sortit de table sans même prévenir ses amis. Elle fila en direction des serres où elle devait rencontrer le jaune et noir.

Elle arriva en trottinant et décrocha un sourire au Poufsouffle qui devait sans doute l'attendre depuis longtemps. Sans pouvoir le saluer, celui-ci la devança :

- Bonjour Aisling, as-tu passé de bonnes vacances ?

L'interpellée s'empressa de répondre :

- Salut Bobby ! Oui, super et toi ? T'as pu t'entrainer à faire des bêtises ?

La jeune fille ne savait pas pourquoi ce surnom était le sien mais il avait dit un jour que tout le monde l'appelait ainsi alors elle avait commencé à imiter la foule et ne s'était jamais arrêtée.

Le garçon était un peu comme son apprenti pour faire des farces. Elle lui avait appris à comment être discret, comment enfreindre les règles sans se faire prendre et plein d'autres techniques pour être un parfait hors-la-loi au château. Elle avait parfois l'impression que Chandler la vénérait comme elle admirait son cap'. Ca la gênait mais elle passait vite à autre chose, n'y faisant pas attention trop longtemps.

Le doux son de sa voix lui avait un peu manqué, pour être honnête. Peut-être même plus que son rire cristallin, qu'il ne tarderait pas à entendre à nouveau. La question de la jeune fille ne le surprit même pas. Comme si tout ce qu'ils avaient en commun depuis qu'ils se connaissaient, c'était cette manie de faire des 400 coups dans tout le château. Il faut dire que ça n'était pas totalement faux, mais Chandler n'était pas vraiment assez mature pour s'en rendre compte ou s'en soucier. Ils étaient tous les deux à cet âge où les questions de philosophie relationnelle, d'estime de l'autre, d'amitié réciproque étaient bien trop tirées par les cheveux pour ne serait-ce que traverser leur esprit. Tout ce qui comptait, c'était l'instant présent. La bêtise du moment, le rire qui lézarde les murs, le geste, le cri, l'action. Voilà qui suffisait, pour Chandler du moins, à définir la grande notion qui portait le nom d'amitié.

- Oui mes vacances étaient supers! Il prit un petit temps avant de répondre à la suite. Mais tu sais, pour les bêtises .. Au début j'en ai fait plein. J'ai vidé l'arrosoir de la fleuriste sur le chat du voisin, j'ai fait tomber du linge blanc dans l'étang, j'ai capturé un écureuil. Mais ma maman a finit par me dire qu'elle me confisquerai ma bicyclette si je continuai. Alors j'ai un peu arrêté, pendant quelques temps...

Il semblait un peu penaud de lui annoncer ça. Il avait en fait peur de la décevoir, elle qui devait sûrement enchaîner des sottises plus drôles les unes que les autres sans jamais se faire prendre ou gronder. Lui n'avait pas sa discrétion et son sourire angélique pour se faire pardonner. Et puis tout de même, il n'allait pas se laisser prendre sa bicyclette ! Pour se rattraper, il ajouta cependant :

- Mais du coup, j'ai eu le temps de réfléchir à plein de trucs qu'on pourra faire cette année. Tu savais que dans les serres, ils cachaient des plantes hilarantes. Il avait sorti ce dernier mot comme s'il l'avait appris la veille, et qu'il était fier de son nouveau vocabulaire. Ce qui était tout à fait le cas en réalité. Des plantes qui font rigoler très fort, ajouta-t-il, un peu malicieux. On pourra en mettre dans les plats destinés aux autres élèves, qu'en penses-tu ?

- Oui mes vacances étaient supers! Mais tu sais, pour les bêtises... Au début j'en ai fait plein. J'ai vidé l'arrosoir de la fleuriste sur le chat du voisin, j'ai fait tomber du linge blanc dans l'étang, j'ai capturé un écureuil. Mais ma maman a fini par me dire qu'elle me confisquerai ma bicyclette si je continuai. Alors j'ai un peu arrêté, pendant quelques temps...

Le garçon était tellement enfantin. Aisling soupira. Il aurait largement pu trouver une alternative pour pouvoir garder sa bicyclette et faire des bêtises. Enfin, la Gryffondor lui apprendrait plus tard comment. Pour le moment, ils devaient trouver le prochain coup qu'ils allaient faire. Et cette fois-ci, Chandler ne la déçut pas :

- Mais du coup, j'ai eu le temps de réfléchir à plein de trucs qu'on pourra faire cette année. Tu savais que dans les serres, ils cachaient des plantes hilarantes. Des plantes qui font rigoler très fort. On pourra en mettre dans les plats destinés aux autres élèves, qu'en penses-tu ?

Aisling eut immédiatement un sourire espiègle.

- On va faire bien mieux ! On en mettra aussi dans le plat des professeurs.

La rouge et or réfléchit. Il fallait qu'elle se fasse prendre, qu'elle attire l'attention de tous les professeurs sur elle pendant que Chandler mettrait quelques feuilles de ces fameuses plantes dans leur assiette.

La jeune fille rigola d'un rire diabolique et exposa son plan à son camarade.

- Alors voilà ce qu'on va faire, je vais attirer l'attention de tous les professeurs en faisant une bêtise et pendant ce temps tu te faufileras jusqu'à leur table et tu disperseras tes petits bouts de feuilles dans leurs assiettes.

Aisling imaginait déjà la réaction des différents adultes piégés. Ce serait hilarant. Très hilarant.

L'idée d'Aisling fit sourire Chandler jusqu'aux oreilles. Elle était complètement folle. Diablement drôle, mais complètement folle. Le garçon n'osa même pas imaginer les conséquences s'ils se faisaient prendre. Mais penser à la tête que feraient les professeurs le faisait bien trop rire pour qu'il ne se dégonfle.

- Alors voilà ce qu'on va faire, je vais attirer l'attention de tous les professeurs en faisant une bêtise et pendant ce temps tu te faufileras jusqu'à leur table et tu disperseras tes petits bouts de feuilles dans leurs assiettes.

- D'accord ! Lui dit-il en pouffant de rire d'avance. Et pour en mettre dans les plats des élèves, il suffira de s'infiltrer dans les cuisines ! Ça va être drôle. Mais d'abord, le plus dur : rentrer dans la serre pour piquer les plantes. Il nous en faudrait une sacré quantité pour en mettre dans toutes les assiettes.

La serre devait bien renfermer la quantité qu'ils souhaitaient, mais pour y entrer par effraction et tout transporter discrètement, ce ne serait pas une mince affaire. Il faudrait certainement passer par derrière, escalader le lierre et glisser par les fenêtres du toit pour ouvrir la porte de l'intérieur. Mais ensuite, ils ne pouvaient pas se permettre de faire des dizaines d'allers-retours, ce serait trop remarqué. Tout porter sous leur T-shirt ne serait pas très discret non plus. Sans parler des effets urticants. Une brouette peut-être ? Ou bien un autre contenant ? La brunette devait bien avoir une idée, elle et son esprit si bougrement tordu.

- Pour rentrer c'est facile, mais on fait comment pour tout transporter ? T'as pas une idée ?

- D'accord ! Et pour en mettre dans les plats des élèves, il suffira de s'infiltrer dans les cuisines ! Ça va être drôle. Mais d'abord, le plus dur : rentrer dans la serre pour piquer les plantes. Il nous en faudrait une sacré quantité pour en mettre dans toutes les assiettes.

Aisling acquiesça. C'était une bonne idée, l'infiltration aux cuisines, et il n'y avait rien de plus simple ! Il fallait maintenant qu'ils récoltent les feuilles sans se faire prendre.

- Pour rentrer c'est facile, mais on fait comment pour tout transporter ? T'as pas une idée ?

La Gryffondor réfléchit un instant et ricana. Elle avait trouvé.

- Et bien écoute, mon petit Bobby, c'est encore plus simple. Regarde ce sac. On va l'agrandir en l'ensorcelant et on mettra tout dedans.

Une fois qu'ils l'auraient rempli, ils se rendraient aux cuisines histoire d'engager un ou deux elfes qui les aideraient à mettre au point leur plan. Aisling avait hâte. Alors, elle ne se fit pas prier. Elle grimpa au lierre bordant la serre et entra dans celle-ci par une fenêtre qui était restée entrouverte. Elle tomba à quatre pattes comme un félin et attendit son ami. Lui connaissait l'aspect des plantes, pas elle.

Forcément, il n'y avait qu'elle pour trouver des idées aussi ingénieuses. Un peu en admiration, Bobby la suivit et escalada à sa suite le long des vitres de la serre. Se faufilant à travers la fenêtre du toit d'où Aisling avait sauté avec légèreté, il se retrouva l'arrière-train maladroitement coincé dans l’entrebâillement, et finit par s'en dégager pour tomber lourdement sur le sol. Refusant de broncher devant la Gryffondor, il frotta ses égratignures et se remit sur pieds sans rien dire.

Partant à la recherche des plantes hilarantes, il tenta de se remémorer leur aspect. Feuilles en éventail, un peu froissées, foncées. Tiges fines, peu enracinées. Très probablement en pots. Il évita soigneusement le rang des plantes carnivores pour se diriger vers le fond de la serre. Beaucoup de plantes se ressemblaient et Chandler avait légèrement peur de se tromper. Pourtant, son grand-père lui avait parlé milles fois de ces feuilles au pouvoir de faire exploser de rire pendant un bon quart d'heure toute personne qui en croquerait un bout. Se rapprochant d'une allée de pots, il déchira une feuille en deux et la sentit. En réalité, elle n'avait aucune odeur particulière. C'était juste pour paraître professionnel face à Aisling. Assez certain que c'était bien la plante qu'ils cherchaient, il se tourna face à la jeune fille :

- Tiens ! Il faut juste croquer dedans, ça n'a même pas de goût.

Anticipant l'air un peu dubitatif de la rouge et or, il prit lui même un morceau de feuille et croqua dedans à pleines dents. Les effets ne tardèrent pas à se faire ressentir. Pris de petits spasmes, Bobby pouffa d'abord silencieusement, avant d'éclater d'un rire tonitruant. Son ventre ne tarda pas à lui faire mal, plié en deux qu'il était, tentant en vain de faire taire son éclat soudain. Bientôt, des petites larmes de joie perlèrent sur le coin de ses yeux, et entendre son rire avait pour seul effet de le faire rire plus encore. Il était à deux doigts de s'étaler de tout son long sur le sol de la serre et de taper du pied tant ce petit bout de feuille le faisait rire. Décidément, ses effets étaient plus hilarants qu'escomptés.

Après que son camarade ait cherché les plantes, il arracha une bonne poignée de feuille et en tendit une à Aisling. Elle n'hésita pas une seule seconde et la mâcha, imitant Chandler. Elle était bien décidée à tester le produit avant de l'utiliser à l'usage d'une farce. Ils éclatèrent de rire presque en même temps. La Gryffondor ignorait pourquoi elle riait mais une chose était sûre : elle riait. Elle avait mal aux abdominaux tellement elle s'esclaffait. De grosses larmes de joie coulaient sur ses joues. Heureusement que les effets ne duraient pas une journée entière.

Elle s'assit et attendit la fin du rire totalement incontrôlable. Au fond d'elle, elle cherchait la raison de son rire mais ne trouvait pas. Elle ne comprenait plus rien.

Au bout d'une bonne quinzaine de minutes, les effets se tarirent et Aisling put prendre une bonne goulée d'air.

- Pfiou, je n'avais jamais rigolé autant d'un coup ! On va se taper un bon fou rire quand on verra les profs dans cet état !

Elle respira un bon coup et ajouta, avec un sourire :

- Tu as une idée de génie, c'est pas plus mal que t'aies pas pu faire de bêtises cet été finalement !

Elle n'aurait jamais cru dire ça mais elle le pensait vraiment.

Le marmot passa du fou rire au rougissement intense en moins de temps qu'il n'en fallu pour le dire. Avait-il bien entendu ? Aisling avait qualifié son plan "d'idée de génie" ? C'était très certainement le meilleur compliment qu'elle pouvait lui faire. Il resta un court instant béat, avant de reprendre ses esprits. Il ne fallait pas lui montrer qu'il était touché, sinon elle se moquerait peut-être de lui. Alors il commença à cueillir les feuilles des plantes hilarantes, minutieusement.

- Est-ce-que tu pourrais faire le sortilège pour agrandir le sac ? Tu sais, vu que tu es dans une année supérieure, tu le maîtrises mieux que moi .. dit-il à sa camarade.

En réalité, année supérieure ou pas, Chandler n'aurait pas réussi ce sortilège pour la simple et bonne raison qu'il n'était pas doué avec une baguette. En y réfléchissant, il n'arrivait même pas à se remémorer le sort qu'il fallait effectuer pour agrandir les objets. Et puis il avait fait sa part du boulot : il avait trouvé la plante et l'avait testée. En attendant, il fourrait les feuilles dans ses poches et dépouillait les plantes une à une. Il y en avait bien une vingtaine, comprenant chacune d'innombrables feuilles. Ils en auraient eu bien assez pour provoquer une crise de fous rires dans tout Londres, alors imaginez la quantité qu'ils pourraient en mettre dans les assiettes des seuls élèves et professeurs de Poudlard. Mais Bobby se fit la réflexion qu'il serait peut-être plus malin de laisser quelques plantes intactes. La professeure de botanique remarquerait ainsi plus tardivement que prévu la disparition de certaines feuilles. Surtout s'ils s'arrangeaient pour placer les plantes endommagées derrière celles laissées intactes. Décidément, le Poufsouffle ne se féliciterait jamais assez de ses petits éclairs de génie. Et dire que tout ses professeurs le pensait si stupide ... Rira bien qui rira le dernier.

- Est-ce-que tu pourrais faire le sortilège pour agrandir le sac ? Tu sais, vu que tu es dans une année supérieure, tu le maîtrises mieux que moi...

Sans répondre, Aisling prit le sac et jeta le sortilège pour l'agrandir. Elle mit la main dedans pour vérifier qu'il n'y avait pas de fond. Elle redressa la tête avec un sourire et leva son pouce. Tout était parfait.

- Allez aide-moi à tout mettre dans le sac maintenant !

Ils entreprirent donc de le remplir de toutes les feuilles qu'ils pouvaient trouver. Aisling levait la tête de temps en temps afin de vérifier que personne ne les observait faire leur fourberie. Elle avait vraiment hâte de voir la réaction des élèves et des professeurs. Ca promettait d'être hilarant. Il fallait par contre qu'elle pense à une bêtise qu'elle pourrait faire sur place. Quelque chose qui ne lui ferait prendre qu'une heure ou deux de retenues. Elle ne voulait pas re-nettoyer le château comme l'an passé. Et puis ils ne seraient pas soupçonnés pour l'énorme farce puisqu'elle, elle serait aux prises avec les professeurs et Chandler était quelqu'un de discret.

Après avoir fini leur tâche, ils partirent en catimini des serres en direction des cuisines. A l'entrée du château, ils se séparèrent pour ne pas être vus ensemble. Ils avaient pour mission de se retrouver dans l'antre des elfes quinze minutes plus tard.